mercredi 8 juin 2011

La contagion nucléaire dans les pays arabes : facteurs et motivations communes

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad et le roi saoudien Abdallah (Crédits: Reuters)

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer le regain pour le nucléaire dans les pays du Moyen-Orient, et plus largement dans les pays arabes.

Parmi les facteurs extérieurs d’abord, la diminution des réserves de gaz et de pétrole, ajoutée à une croissance démographique et économique rapide, pousse les pays de la région à réserver leur hydrocarbure pour l’exportation, et à rechercher de nouvelles sources d’électricité pour la désalinisation de l’eau et leur consommation nationale. Ensuite, la préoccupation assez récente du réchauffement climatique et de la production de gaz à effet de serre renforce certainement l’intérêt pour le nucléaire civil. Ces facteurs concernent donc la relance d’un programme civil.
A des fins militaires cette fois, les motivations communes des pays arabes sont nombreuses, que l’on peut rassembler sous le triptyque « sécurité – politique – religion ».
A la base de ces motivations se trouvent l’Iran et son programme nucléaire.

LES MOTIVATIONS SÉCURITAIRES DU NUCLÉAIRE MILITAIRE

Le programme nucléaire iranien n’a pas toujours été considéré comme une menace dans la région. Lors des révélations publiques de celui-ci en 2002-2003, il a même été avancé par plusieurs pays arabes que cela pourrait avoir un effet stabilisateur au Moyen-Orient.
Or, une succession d’éléments vont faire évoluer ces considérations. En 2004 d’abord, c’est l’insurrection chiite en Irak qui commence à inquiéter les États arabes, composé d’une majorité de populations sunnites. Ensuite, la radicalisation de la politique iranienne en 2005 et la guerre du Liban en 2006 vont faire encore grimper les inquiétudes. Au point que de nombreux pays de la région avec, en tête de la liste, l'Égypte et l’Arabie Saoudite pratiquent désormais une diplomatie visant à créer une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, preuve que le nucléaire iranien est vu comme une menace plus importante encore que le nucléaire israélien.

Le manque d’alliés fiables dont souffrent ces pays est aussi une raison de la recherche de l’arme nucléaire. Seule la Turquie bénéficie d’une certaine garantie de sécurité (à nuancer, nous l’avons vu) de la part des pays de l’Otan, de par son adhésion au traité. Les Etats du Golfe bénéficient d’accords de protection conclus avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, mais ceux sont diplomatiquement coûteux et stratégiquement incertains. Demander une protection accrue aux États occidentaux ne paraît pas non plus être l’option la plus souhaitable pour ces pays, car une telle demande risque de faire passer leurs dirigeants comme faibles. Cela ferait aussi naître une forte dépendance à leur égard, propice aux accusations de néocolonialisme. Ces accusations ont déjà fait naître certains extrémismes dont celui d’Oussama ben Laden, furieux après l’intervention américaine en 1991 sur les terres sacrées saoudiennes, ce qui alors entraina sa rupture avec le wahhabisme.

Face à ces craintes de néocolonialisme, il semblerait que la France « ait un coup à jouer ». En effet, la posture française sur la scène internationale reste relativement indépendante de celle des États majoritairement peu aimés au Moyen-Orient, avec en premier lieu les États-Unis et la Grande-Bretagne. On peut rappeler un fait assez illustrateur, celui de la prise d’otage de la Mecque en 1979. C’est justement en revendiquant la non-légitimité du règne des Al-Saoud et leur corruption par leur rapprochement avec les Etats-Unis, que Juhayman ibn Muhammad ibn Sayf al-Otaibi, et avec lui 200 autres fondamentalistes, prirent par la force le contrôle de la mosquée Al-Masjid al-Haram à La Mecque. Après l’échec des forces saoudiennes, ce sont les forces françaises du GIGN qui furent appelées en renfort. Outre l’argument de l’efficacité considérable des militaires français, on peut souligner que ce choix fut orienté du fait de l’indépendance de la France sur la scène internationale, et de sa neutralité, voire véritable amitié, avec de nombreux régimes arabes. C’est un argument pouvant tout à fait être repris dans le cadre de coopérations dans des secteurs aussi sensibles que le nucléaire civil.

LES MOTIVATIONS POLITIQUES ET RELIGIEUSES

Les motivations politiques sont guidées par le symbole de souveraineté, de prestige et de modernité que représente le programme nucléaire iranien aux yeux des dirigeants des pays arabes. Cette valeur symbolique paraît prendre une grande importance au Moyen-Orient.

De manière plus pragmatique, un programme nucléaire peut être une manière d’asseoir la légitimité d’un régime héréditaire au sein du pays. On peut ainsi penser à Gamal Moubarak en Égypte, ainsi qu’à Bachar-el Assad en Syrie, ou même à l'Armée dans le cas de la Turquie et de l’Algérie.

Les motivations religieuses doivent être prises en compte également. En effet, le « réveil chiite » constaté par les élites sunnites est matière à faire réagir les pays voisins de Téhéran, gouvernés par des sunnites. Cela paraît d’autant plus clair que l’Iran ne revendique pas la création d’une bombe islamique comme le revendiquait le Pakistan. Une bombe iranienne serait en mesure de diviser à l’intérieur même de la communauté musulmane.

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