mardi 7 juin 2011

L'impact stratégique d'une défense antimissile en Europe

Missile Aster tiré depuis la frégate Forbin (crédits : MBDA - Michel Hans)

La défense antimissile, communément appelée « bouclier antimissile », est un système composé de radars et de missiles, et a pour but de détecter et de détruire les missiles balistiques ennemis, la plupart du temps dans leur phase ascendante.
Le projet de bouclier antimissile sous la présidence de George W. Bush prévoyait l'implantation d’unités de missiles intercepteurs enfouis dans des silos en Pologne et d'une station radar en République tchèque. Ce renforcement de la présence militaire américaine dans une zone que la Russie considère comme faisant partie de sa sphère d'influence avait soulevé l'hostilité farouche de Moscou.
Barack Obama avait donc annoncé en Septembre 2010 que les Etats-Unis renonçaient à mettre en place ce bouclier antimissile tel que l'avait conçu l'administration Bush. En revanche, "une nouvelle approche" en ce qui concerne la défense antimissile en Europe allait être mise en œuvre. Le président américain a précisé que ce système de remplacement permettrait une défense plus efficace et plus rapide des alliés européens des Etats-Unis.

Depuis cette déclaration, une batterie antimissile « Patriot » a été installée et inaugurée en Pologne près de l'enclave russe de Kaliningrad. Quelques temps avant cela, la Cour suprême de Défense de Roumanie approuvait l’installation du bouclier antimissile américain sur son territoire à partir de 2015, composé d’intercepteurs terrestres de missiles balistiques et de moyenne portée. Le président Basescu se frottait les mains que son pays participe à cette nouvelle version du projet de défense des Etats-Unis. Le président avait d’ailleurs souligné que ce nouveau système de défense ne visait pas la Russie, mais cherchait seulement à accroître le niveau de sécurité national de la Roumanie et plus généralement de la région Nord Atlantique.

Par ailleurs, le chef de l’Otan, Fogh Anders Rasmussen s’est déclaré favorable au développement d’un tel système de défense en Europe, dans le cadre de l’Alliance. Le nouveau concept stratégique de l’Otan, proposé par le rapport Albright en mai 2010 renforce la proposition de Rasmussen. En réponse, le ministre français de la Défense Hervé Morin s’y était déclaré fort opposé, en arguant qu’il s’agissait d’une erreur à la fois stratégique et financière.
L’installation d’un système de défense antimissile en Europe pose diverse questions stratégiques. L’impact de la présence d’un tel système ne risque-t-il pas de mettre le vieux continent en mauvais posture, notamment face à la Russie. Ne risque-t-elle pas de porter atteinte au développement d’un concept communautaire de défense européenne, si l’installation se fait sous l’égide de l’Otan ?
Enfin, le principe même d'une défense antimissile pose l'éternelle question du choix entre le glaive et le bouclier. La défense antimissile ne risque-t-elle pas de porter atteinte à la dissuasion nucléaire européenne ?

IMPACT STRATEGIQUE D’UNE DEFENSE ANTIMISSILE OTAN/USA EN EUROPE

Le rapport Albright sur le nouveau Concept Stratégique de l’Otan recommande à l’Alliance d’installer un système de défense antimissile en Europe, afin de se prémunir contre les menaces balistiques qui pèsent sur les pays européens de l’Otan, un projet cher à Rasmussen.
Ainsi, alors que la prolifération des armes balistiques s’accroît, l’Europe doit se positionner alors que les Etats-Unis tentent d’imposer leurs vues. Il paraît nécessaire de faire le point sur ces « menaces » qui pèsent sur l’Europe, ainsi que sur le projet en lui-même et son impact stratégique sur l’Union Européenne.

Quelle menace balistique sur l’Europe ?

(Source: Aerodefense News)



Le processus de prolifération balistique s’est développé de manière inquiétante au cours de ces vingt dernières années qui ont vu notamment trois pays (la Corée du Nord, le Pakistan et l’Iran) s’associer pour acquérir les technologies et les développer en vue d’accroître la portée et la capacité d’emport de charges de masse importante (500-1000 kg). Ces missiles deviennent alors des vecteurs potentiels pour porter les armes de destruction massive développées en parallèle. Ainsi l’Iran, par ses lancements de novembre 2008 et février 2009 a montré qu’il avait franchi l’essentiel des paliers technologiques pour accéder aux portées intermédiaires qui lui permettraient d’atteindre la majeure partie de l’Europe. La portée des systèmes en opération voisine les 2.000 km. Les capacités démontrées par les tests récents (y compris les lanceurs spatiaux) vont doubler cette portée. Tout cela confirme l’analyse faite par le Livre Blanc de juin 2008. Ce n’est pas tout, la Chine a fait une démonstration de force en 2007 en réussissant la destruction d’un satellite, puis, trois ans plus tard, celle d’un missile balistique. A la lumière de ces exemples, on constate que ces menaces ne sont pas atmosphériques mais balistiques et qu’elles requièrent donc une réponse appropriée : une défense antimissile.

Un système antimissile « made in Otan » en Europe

Le prochain sommet de l’OTAN à Lisbonne en novembre prochain pourrait décider d’une extension du programme anti-missile européen, en intégrant la contribution américaine et principalement sous son impulsion. Que propose l’administration Obama ?
Washington propose un déploiement naval et terrestre de radars et d’intercepteurs exo-atmosphériques (SM-3) pour la protection des forces américaines en Europe et des nations européennes de l’OTAN. Les Etats-Unis imposent à l’Alliance leur approche et leur calendrier comme ce fut le cas en 2007 avec leur proposition de déploiement d’un « Third Site » en Pologne et République Tchèque, et aujourd’hui avec la « Phased Adaptative Approche – PAA ». Dans les deux cas, les ministres de la Défense européens (en juin 2007 et en octobre 2009) ont accepté que les architectures de défense anti-missile de l’OTAN soient largement bâties sur la base de ces propositions américaines. Pourquoi ? A cause de l’absence de contre-proposition européenne crédible.

Ainsi, la création d’un système de missiles antimissiles complémentaire pour protéger la population des pays européens de l’Otan coûterait moins de 200 millions d’euros sur 10 ans à répartir entre les 28 Etats membres, a assuré le mois dernier le secrétaire général de l’Alliance atlantique. Le système de commandement et de contrôle de l’Otan relierait les systèmes antimissiles existants ou en cours d’installation de pays comme les Pays-Bas ou l’Allemagne à celui que les Etats-Unis ont l’intention de déployer dans l’Est de l’Europe (Pologne et Roumanie), ainsi que des éléments complémentaires (radars, missiles intercepteurs) installés sur des bases terrestres ou des bateaux (Système Aegis en patrouille en mer Méditerranée)
Ce dispositif viserait notamment à protéger les membres européens de l’alliance d’attaques de missiles à courte ou moyenne portée. Il se distingue de l’ancien projet américain de « bouclier » (Missile Shield) lancé par le président George W. Bush, qui avait pour objectif de défendre le territoire américain contre des missiles à longue portée survolant l’Europe.

Enjeux stratégiques

L’installation d’un bouclier antimissile pourrait être analysée comme un retour vers les sombres heures de la guerre froide.
Avec une défense antimissile aux portes de l’Europe, on pourrait avoir l’impression que les Etats-Unis veulent réitérer une certaine politique de containment vis à vis de l’ours soviétique. En acceptant de faire partie du projet américain, les polonais et les roumains entraînent non-seulement la qualification des russes d’ennemi des européens, mais ils empêchent aussi par delà leur complète intégration européenne, en avilissant leur défense au profit des américains.
Certes, un pays comme la Pologne a une récente tradition pro-américaine assez ancrée. On ne saurait trop se rappeler l’indignation après que la Pologne ait décidé d’acheter des chasseurs F-16 américains quelques semaines après son intégration dans l’UE, au lieu d’acheter un produit européen. Mais il serait temps que ces mauvais élèves prennent leurs destins entre leurs mains.
Alors l’impact pour ces pays, Pologne et Roumanie, est double. D’une part, leurs gouvernements s’excluent du processus d’émergence d’une défense européenne en montrant qu’ils n’ont pas confiance en une protection purement Bruxelloise, et qu’ils préfèrent se mettre sous protection transatlantique. Mais d’autre part, ils donnent une mauvaise image de l’Europe. Une image où l’Union reste coincée à l’heure de la guerre froide, en proie aux sueurs froides provoquées par une attaque nucléaire russe sur Paris ou Londres.

Mais quelle est l’attitude de Moscou face à un tel positionnement européen ?
On peut rappeler les bases jetées par la récente Doctrine Militaire russe, approuvée par le président Medvedev le 5 février 2010. Le document considère comme une menace la mise au point et le déploiement en Europe de systèmes de défense antimissile stratégiques "torpillant la stabilité internationale et perturbant l’actuel rapport de forces dans le domaine balistique nucléaire, ainsi que la militarisation de l’espace et le déploiement de systèmes d’armes conventionnelles stratégiques de haute précision". Moscou s’était déjà opposé à un premier projet de bouclier antimissile en Europe, élaboré sous l’administration du président américain George W. Bush, jugeant qu’il menaçait également la sécurité russe. La Russie a ensuite exprimé sa "préoccupation" et son désir d’obtenir des "éclaircissements" après l’annonce que la Roumanie allait accueillir d’ici à 2015 des intercepteurs de missiles américains.

L’Europe coincée entre deux feux et le double jeu de la Russie

La stratégie russe montre bien qu’elle situe l’Europe comme un simple pion dans sa stratégie élaborée vis-à-vis des Etats-Unis. Elle oscille entre volonté de coopération avec les américains, et actions portant atteinte à ces derniers. Alors que les systèmes antimissile seraient installés en Europe, la place de celle-ci dans la stratégie russe (et américaine aussi d’ailleurs) n’est relayée qu’au simple rôle de spectateur, alors que Bruxelles devrait être un acteur de premier plan.

La Russie a d’abord montrée qu’elle était disposée à coopérer sur les systèmes antimissiles. Le chef d’état-major interarmées russe, le général Nikolai Makarov, a récemment mentionné la défense antimissile parmi les thèmes de coopération possibles entre son pays et l’Otan en 2011. « La défense antimissile a été citée par le général Makarov parmi les secteurs potentiels d’élargissement de la coopération Otan-Russie en 2011 », a confirmé l’amiral Giampaolo Di Paola (Président du Comité militaire de l’Otan).
De son côté, le vice-président américain Joe Biden, a prêché en faveur d’une collaboration entre les 28 alliés occidentaux et Moscou dans le domaine des systèmes antimissile. En avril 2008, au sommet de Bucarest, l’Alliance atlantique a proposé à la Russie d’étendre cette coopération afin de protéger l’ensemble de leurs territoires respectifs de la menace croissante d’engins balistiques aux mains de pays comme l’Iran. Ainsi, les Etats-Unis et la Russie discutent, même si Joe Biden invite les pays européens à participer, l’Europe, qui devrait être la première concernée, observe…

Mais si la Russie fait mine de coopérer, elle ne manque pas non-plus d'agir à l'encontre des intérêts à la fois de Washington et de Bruxelles, en vendant précisément des défenses anti-missile à l’Iran… La Russie souffle ainsi le chaud et le froid, et l’Europe encore une fois, ne fait qu’observer.
Ainsi, la coopération balistique entre Moscou et Téhéran se poursuit. La Russie et l’Iran ont conclu un accord prévoyant la fourniture à Téhéran de cinq systèmes antimissiles S-300. Des rumeurs véhiculées dans la presse russe indiquent que si les plates-formes de ces systèmes ont déjà été livrées, en revanche, les missiles seraient toujours stockés en Russie. Moscou garde donc une carte dans sa poche, au cas où les Etats-Unis hausseraient le ton face à cette vente.
Pour le moment, la Russie a retardé l’exécution du contrat, avançant que des insuffisances techniques ayant été découvertes en matière de fréquences radio et qu’elles seraient actuellement en cours de correction par des spécialistes russes, selon la presse locale.
Le système de missiles sol-air S-300 est destiné à la protection des grands ouvrages industriels et centres administratifs, des bases militaires et des postes de commandement. Les S-300 sont capables de détruire les missiles balistiques, d’abattre les avions à une distance de 150 km et à une altitude allant jusqu’à 27 km, et même d’anéantir des cibles terrestres. Selon les experts russes, les performances des missiles S-300 seraient supérieures à celles des Patriot américains qui sont déployés notamment en Israël et dans d’autres pays du Golfe.

Batterie anti-missile Patriot (Crédits: RiaNovosti)

IMPACT STRATÉGIQUE D'UNE DÉFENSE ANTIMISSILE "MADE IN EUROPE"

Enjeux stratégiques

Bâtir une défense antimissile « made in Europe », et non sous l’égide de l’Otan, serait-ce une meilleure idée ?
On pourrait dans un premier temps répondre par l’affirmative. En effet, mettre en place notre propre système de défense pourrait avoir le même effet pour l’Europe que lorsque la France a construit son premier sous-marin nucléaire. Les américains avaient alors contacté les Français, et engagé un dialogue d’égal à égal, montrant par ce geste la reconnaissance d’un rapport de force presque mis à niveau. Le même résultat pourrait-il être atteint si l’Europe construit sa propre défense antimissile ? Pour répondre avec objectivité à cette question, il faut avant tout se poser une question : l’Europe envisageait-elle de construire un tel système avant que les américains l’évoquent ? La réponse est non. Si l’Europe construit son propre système de défense, cela restera toujours une idée soufflée par les Etats-Unis, et le résultat sera le même que si une défense « Otan » est installée, à la différence prêt que seule l’industrie de défense européenne en tirera partie, et non l’industrie américaine. Une telle défense aurait donc le même impact stratégique : l’Europe installe une défense antimissile, parce que les américains l’ont demandé. La vision de l’Europe resterait donc la même pour les pays tiers, et surtout pour ceux se sentant visés par le système : le vieux continent est toujours sous tutelle américaine.

En outre, en construisant son propre système, l’Europe mettrait en application une doctrine qui n’est pas la sienne mais celle des Etats-Unis, selon laquelle l’occident a besoin d’un ennemi pour (sur)vivre. En énonçant, en 1991, sa célèbre phrase «Nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d’ennemi !», Gueorgui Arbatov, conseiller diplomatique de Gorbatchev, mettait le doigt sur la raison d’être des Etats-Unis, dont l’économie dépend essentiellement de son complexe militaro-industriel. La défense antimissile n’en est qu’une illustration supplémentaire. Mais ce n’est pas la vocation de l’Europe de suivre une telle doctrine, Bruxelles privilégiant le Soft Power. L’Europe n’a pas besoin d’ennemi pour exister, et donc elle n’a pas besoin de se cacher derrière un tel mur de protection. En poursuivant cette pensée jusqu’au bout, on en vient même à la conclusion que le vieux continent n’a pas besoin de défense antimissile. Mais cela ne semble pas être l’avis des cabinets de production stratégique de l’Otan.


Aspect bénéfique : consolider l’industrie de défense européenne

Comment l’Europe peut-elle répondre à ce défi à la fois opérationnel et politique que représente la défense antimissile balistique ? En mettant de côté l’effectivité de l’argument, l’objectif serait donc de se doter des capacités techniques et industrielles qui permettront aux décideurs politiques et militaires européens de dialoguer avec les Etats- Unis de manière plus égalitaire. Les industriels français parlent d’une même voix sur le sujet : « Les risques pour la France et pour l’Europe sont majeurs : perte de souveraineté politique et du commandement militaire, dépendance technologique, obligation de contribution financière très élevée au profit de l’industrie américaine », déclare un dirigeant français du secteur.
Une solution exposée consisterait à réaliser un projet d’étude allant jusqu’à l’expérimentation en vol d’un intercepteur exo-atmosphérique, qui permettrait, pour un montant optimisé (300 millions d’euros sur six ans) de garder la main politiquement dans le dialogue transatlantique.
L’ambition, selon les industriels français étant de développer une capacité opérationnelle permettant à l’Europe de disposer aussi d’intercepteurs exo-atmosphériques de la classe des futurs SM-3, associés à un radar de conduite de tir. Il s’agit de faire progresser des technologies entre industriels (Astrium, BAE, Finmeccanica, MBDA, Thales, Safran) afin de donner à l’Europe tous les éléments en vue d’une phase d’expérimentation.
Un démonstrateur exo-atmosphérique permettrait en outre de consolider des compétences clefs pour la dissuasion européenne.

Impact sur la dissuasion d’une défense antimissile en Europe

La position majoritaire européenne quant à l’impact de la défense antimissile sur la dissuasion nucléaire est assez bien résumée par la position française. La France, dont le point de vue a été exprimé au travers du rapport sur le nucléaire de J.P. Chevènement, ”DÉSARMEMENT, NON-PROLIFÉRATION NUCLÉAIRES, SÉCURITÉ DE LA FRANCE”, ainsi que par les prises de position répétes d’Hervé Morin sur la question: mettre en place une défense antimissile en Europe affaiblirait la dissuasion nucléaire.
Un rappel historique sur les fondements de cette pensée est nécessaire. Pendant la guerre froide, les chefs d'Etat occidentaux pensaient que la paix reposait sur des sociétés vulnérables et sur des armes invulnérables. On se s'étonne pas assez de cette position étrange. Faire reposer son existence sur la vulnérabilité de sa société a quelque chose de paradoxal, et l'idée même d'armes invulnérables paraît très discutable. Mais c'est un des aspects de la révolution nucléaire, qui donne à l'attaque un avantage décisif sur la défense.
Nombreux théoriciens de la stratégie nucléaire américaine ont cependant vigoureusement défendu l'idée d'une défense civile, telle qu’un système de défense antimissile. C'est notamment le cas d'Herman Kahn, célèbre pour son livre sur la guerre thermonucléaire. Il s'est vigoureusement opposé sur ce point à Bernard Brodie et à Thomas Schelling, ce dernier utilisant l'expression «the forbidden defense of civilians». Herman Kahn a finalement été marginalisé, à la fois dans le débat intellectuel, ainsi qu’au niveau de la décision politique. Kahn considérait qu'une société démocratique comme les Etats-Unis ne serait pas crédible si elle ne pouvait pas encaisser une première frappe soviétique. Schelling pensait que ce serait un affaiblissement de la dissuasion (avec des arguments que l'on retrouve aujourd'hui). Ces thèses américaines sont les fondements de la pensée européenne en terme de dissuasion. Aujourd’hui, l’Europe adopte donc le point de vue de Thomas Schelling, selon laquelle un bouclier anti-missile ne doit pas être installé, afin de conserver l’effet dissuasif des armes françaises et anglaises protégeant l’Europe.
Plus récemment, le secrétaire à la Défense américaine, Robert Gates, a écrit une tribune dans le New York Times intitulée : “A Better Missile Defense for a Safer Europe”. A ces propos, et à ceux des partisans d’une défense antimissile en Europe pour améliorer la dissuasion, Hervé Morin a répondu lors de son audition par les députés des commissions de la défense et des affaires étrangères sur les affaires nucléaires en Mai dernier :
"La défense anti-missile, pour séduisante qu’elle paraisse à l’opinion publique, n’en constitue pas moins une erreur.. La sécurité de votre pays, vous la garantissez par votre capacité à vous faire respecter au travers d’une puissance militaire crédible et non en vous abritant derrière des murs, même technologiques."
"La problématique anti-missile rappelle celle de la ligne Maginot, du mur d’Hadrien ou de la grande muraille de Chine. Une défense anti-missile n’aurait de sens que pour des pays disposant d’une véritable capacité de résilience, ce qui n’est pas le cas de l’Europe. De plus, un tel système ne constitue qu’un moyen de défense complémentaire, ce qui implique de disposer déjà des autres".
"Elle constitue a priori un sujet attrayant puisqu’elle permettrait de se garantir contre une attaque nucléaire « rustique ». Mais il faut rester prudent : le système est, en raison de son coût, inaccessible à l’échelon français, et même à l’échelon européen, au vu de la faiblesse des dépenses militaires en Europe. Un tel système ne pourrait donc se mettre en place qu’en association avec les États-Unis et dans le cadre de leur projet. (...) Nous ne doutons pas que les Américains voudront conserver la main sur celui-ci."
"Cette défense anti-missile s’organise en fonction d’un volume budgétaire prédéterminé ; or nous sommes aujourd’hui confrontés à des insuffisances de moyens dans d’autres secteurs, notamment conventionnels, qui risqueraient donc de s’en trouver encore davantage affaiblis."
"Je suis donc très réticent à l’idée de mettre en place une défense anti-missile. Nous lancer dans un programme de défense anti-missile tout en développant des capacités nouvelles à l’échelon français ou européen impliquerait des arbitrages extrêmement douloureux."

"Pour les États-Unis, dont les dépenses de défense représentent la moitié des dépenses militaires mondiales, il est possible de s’engager dans un tel programme. Pour un pays au budget contraint, cela risque d’affaiblir sa défense".



Hervé Morin résumé finalement assez bien le débat et la position française.
Afin que l’Europe affirme enfin son existence haut et fort, ne serait-il pas bon qu’elle crie enfin son indépendance ?
L’Europe devrait répondre d’une seule voix à cette simple question : A-t-on besoin d’une défense antimissile sur le continent ? Cette question mérite véritablement d’être posée aux parlementaires de Strasbourg.
Une réponse négative semble être la meilleure option. L’Europe bénéficie déjà d’une protection active par la dissuasion nucléaire française et anglaise. Pourquoi alors rajouter une défense passive ? La seule réponse semble être purement américaine, à cause des « menaces » qui pèsent sur le vieux continent. Mais vu la portée des missiles balistiques Iraniens, le lancement d’un missile Shahab-3 sur la botte sud de l’Italie est-il vraiment une menace ? A part faire vivre des peuples dans la peur constante, afin qu’une classe politique puisse mieux faire accepter ses décisions, un système antimissile en Europe n’a aucun sens. Il est temps pour l’Europe de le faire savoir.

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